Dans son dernier livre, "Ma vérité sur la planète", Claude Allègre règle ses comptes avec Nicolas Hulot. Sous le masque sympathique de l'animateur d'Ushuaïa, il nous fait découvrir le vrai visage d'un apôtre de la décroissance, de la haine de soi et du "retour à l'âge des cavernes". Après la mascarade de la signature unanime du Pacte écologique par tous les prétendants à la présidence, voilà enfin une vision rationnelle, raisonnable, scientifique des problèmes écologiques qui fait du bien. Loin du catastrophisme ambiant, loin de la mousse médiatique, Allègre reprend les problèmes un par un pour nous donner sa vérité sur la planète. Une vérité qui est loin d'être toute rose mais qui tourne le dos à la culpabilité des écologistes fondamentalistes.
La situation est grave. L'espèce humaine exploite les ressources naturelles au-delà du soutenable, pollue les océans, ponctionne un quart du débit des cours d'eau au risque de les assécher, rejette toujours plus de déchets dans l'atmosphère, détruit des milliers d'espèces vivantes et reduit la diversité biologique indispensable à long terme au maintien de la vie. Bref, l'homme, par son activité, par sa démographie, met sa planète et son propre avenir en grand danger. Sur le constat, Allègre et Hulot ne sont pas si éloignés. Ils le sont en revanche totalement sur les remèdes.
D'abord sur le plan philosophique. Là où les écologistes purs et durs idéalisent la Nature en tant que telle, considèrent l'espèce humaine comme un de ses sous-produits et mettent les animaux ou les plantes au même rang que l'homo sapiens, Allègre cherche avant tout à faire en sorte que "l'Homme vive mieux sur sa planète". L'Homme est au centre de sa réflexion. Il faut protéger la Nature pour l'Homme. Là où Hulot et ses amis culpabilisent les humains et voudraient les voir expier leurs péchés en entrant dans une phase de jeûne, de repentance et de "décroissance", Claude Allègre ne cesse au contraire de mettre au premier plan l'intelligence, la recherche, le désir impérieux de comprendre, le progrès, le sens de l'Histoire, tout ce qui fait la particularité de notre espèce unique.
Ensuite sur le plan économique. En supposant même que les propositions contenues dans ce fameux Pacte écologique soient pertinentes, l'ancien ministre de Lionel Jospin démontre assez clairement qu'elles sont irréalistes et dangereuses. Irréalistes d'abord parce que réduites à notre seul pays alors que le problème écologique est évidemment global. Irréalistes parce qu'aveugles quant à la marche du monde, au besoin de développement des pays du Sud, au désir inaliénable de la Chine ou de l'Inde de rattraper leur retard sur le monde développé. Irréalistes enfin parce qu'Allègre est convaincu qu'il n'y a pas de projet humain qui ne soit viable s'il n'est pas économiquement acceptable. Et le retour en arrière ne l'est pas.
Et ces propositions sont aussi dangereuses. Parce que la décroissance serait synonyme de chômage massif. Parce que la seule façon de parvenir à réaliser ce projet serait de l'imposer. Probablement par la force. Hulot ne s'en cache pas lorsqu'il dit que "le temps des discussions est terminé". Dans le chantage à la candidature, on voit poindre cette tentation du totalitarisme vert.
Enfin, mais c'est à mon sens la partie la moins convaincante, sur le plan climatologique. Allègre ne croit pas au scénario du Global Warming (il est d'ailleurs amusant de constater qu'on parle dans le livre de Global Warning, le "m" s'étant transformé en "n" pour fabriquer l'un de ces lapsus aussi amusant que révélateur). Il explique, de façon pas toujours charitable, comment les météorologistes, découvrant leur incapacité à prévoir le temps qu'il fera dans une semaine, se sont mis à essayer de prévoir le climat que nous aurons dans un siècle. C'est évidemment moins risqué !
Quel est le raisonnement du spécialiste de la tectonique des plaques : on exagère les risques de réchauffement climatique, une augmentation de deux degré de la température moyenne en Europe n'aurait pas de conséquences dramatiques, il y a un comportement hystérique autour de ce sujet, alimenté par des chercheurs satisfaits d'attirer l'attention sur leur spécialité et par des médias qui ont fait du catastrophisme leur fonds de commerce. Pour Claude Allègre, s'il existe bien un changement climatique majeur, il est peu probable qu'il ne soit dû qu'à des conséquences humaines. De plus, sa principale manifestation est plus la multiplication des événements extrêmes (innondations, sécheresse ...) qu'une augmentation massive des températures à la surface du globe. Encore une fois, les arguments du chercheur sont ici, si je peux me permettre, un peu tirés par les cheveux. Allègre explique en détail dans un autre chapitre comment l'activité humaine a pollué les océans, on comprend difficilement pourquoi il ne pourrait pas en être de même pour le climat.
En revanche, la dérive hystérique est incontestable. Pour preuve, l'exploitation poético-lyrique de ce fameux cliché de Yann Arthus Bertrand montrant le sommet du Kilimandjaro privé de ses neiges éternelles. D'une part, les neiges sont de retour cette année. D'autre part, Allègre nous explique que la fonte des neiges du plus haut sommet d'Afrique n'est pas dû au réchauffement climatique mais à la désertification.
Mais que propose donc Claude Allègre ? Réagir calmement. Comprendre avant d'agir. Faire confiance au progrès. En résumé, il faut que notre intelligence compense la baisse des ressources de la planète. L'énergie de l'intelligence humaine. Il faut faire le pari d'une croissance tirée par l'écologie plutôt qu'imposer une décroissance. Dans "développement durable", il faut réhabiliter le développement. Au risque de choquer et de provoquer, Allègre explique comment l'avenir écologique de la planète dépend sans doute de notre capacité à maîtriser deux technologies essentielles : l'énergie nucléaire et le génie génétique. Le nucléaire et les OGM comme solution à l'effet de serre, à l'explosion de la quantité de déchets urbains, au problème de la répartition de l'eau potable.
Un refus obstiné de l'obscurantisme. Une vérité qui dérange et qui rassure.