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Décryptages - Blog politique
11 mars 2007

Chirac - Bayrou : le passage de témoin

voeux_chirac_2007

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Il y a des moments un peu particuliers où l'on a le sentiment qu'un petit morceau d'histoire s'écrit sous nos yeux, où le scénario parait si limipide qu'il coule comme de l'eau de source. Hier soir sur TF1, je pense que nous avons sans doute vécu l'un de ces instants que l'on repassera en boucle dans toutes les émissions "best of" qui font fureur dans la case prime time de nos programmes TV.

Premier acte, Chirac. Digne, fort, émouvant, nous donnant à deux mois de la fin de son mandat, non pas une image crépusculaire et nostalgique, mais un discours vibrant de confiance et d'amour pour son pays. Et regardant vers l'avenir en traçant des grandes routes, que malheureusement il n'a pas su suivre. La France exemplaire : nous sommes les citoyens d'un pays pas comme les autres, nous avons la merveilleuse folie de croire que nous portons en nous-mêmes un message universel. La France tolérante : à l'intérieur de nos frontières, comme au-delà, dans notre vie politique comme sur les champs de bataille à travers le monde, nous avons le devoir de nous opposer aux extrémismes. C'est un peu cela, notre identité nationale ... La France conquérante : l'innovation, la recherche, le travail sont nos seules richesses mais la France étonnera encore. La France solidaire : face au nouveau monde, et encore une fois autant dans l'exagone que partout sur le globe, nos valeurs sont celles de l'égalité des chances, c'est notre modèle social, le renier c'est se renier. La France européenne : indispensable horizon, malgré les difficultés, malgré les échecs. La France durable : parce que "notre maison brûle" et que "nous regardons ailleurs", parce que la planète a toujours été en quelques sorte l'objectif naturel de la politique de la France, parce que le message universel à porter au monde aujourd'hui est sans doute d'abord celui de la protection de l'environnement.

Trop tard. Sans doute. Mais les idées belles n'ont pas besoin de calendrier.

Deuxième acte. Les réactions des principaux candidats. Ségolène Royal, balayant d'un revers de main la dignité du discours pour se lancer dans un égrénage de ses propres objectifs, se drapant une fois de plus, non pas de l'étandard national, mais de l'écoute de ses concitoyens. Un discours de technicien pour ne pas dire de technocrate. Sans panache, sans profondeur, sans âme. Jean-Pierre Rafarin, prêtant sa légendaire bonhommie à l'exercice, tente tant bien que mal de représenter l'absent, Nicolas Sarkozy. Déférent, nostalgique, teintant d'un brin d'humour un éloge un peu pompeux, sur le fil du rasoir entre la fidélité et la rupture. Posture délicate tant le message du chef de l'Etat est à mille lieux d'un soutien, même voilé, même prononcé du bout des lèvres, même subliminal, à son champion d'aujourd'hui. Le Pen enfin, haineux, horriblement haineux. Dans ses yeux, dans sa voix, par tous les pores de sa peau, c'est de la haine qui transpire. Et en même temps une certaine détresse, celle de voir disparaitre son "meilleur ennemi", l'obstacle contre lequel il se heurte avec délectation depuis des décennies. Le Pen, c'est un peu comme les conservateurs américains après la chute du mur de Berlin, c'est un boxeur tout seul sur le ring et qui tourne en rond, un combattant sans adversaire. Le vide lui fait peur. C'était la fin de la carrière de Jean-Marie Le Pen ce soir. Bon débarras.

Troisième acte, Bayrou. Il l'a trouvé bon. Tout simplement. Parce que la fonction est plus importante que les hommes qui l'exercent. Cela m'a rappelé l'éloge funèbre de Mitterand par Chirac en janvier 1996. Pour rentrer dans les habits de son prédécesseur, encore faut-il ne pas les avoir transformés en lambeaux. François Bayrou respecte donc la dignité et le message universel, la vision de la France qui est celle d'un Président. Et pourquoi ferait-il la fine bouche : tolérance, Europe, singularité de la parole de la France, engagement écologique, innovation, solidarité, n'est-ce pas le coeur même du discours de Bayrou dont Chirac a dessiné les contours ce soir ? Bayrou n'a pas réagi au discours de Chirac, il s'est inscrit dans son discours, il l'a prolongé, il lui a apporté la volonté de l'action. Parce que la continuité est dans l'essence même de la fonction et que la rupture est un leurre.

Il n'y a pas d'homme providentiel. Il n'y a pas de recette miracle. Il n'y aura pas de grand soir, ni de lendemains qui chantent. Et en écoutant François Bayrou ce soir, je me suis dit finalement qu'il y avait deux raisons qui me poussent aujourd'hui à lui faire confiance, même si, je l'avoue, je regrette quelquefois les grandes idéologies d'autrefois. La première, c'est précisément la différence qu'il met en avant entre projet et programme. Les programmes sont faits de promesses et les promesses tissent de mensonges nos futures déceptions. Non, EDF et GDF ne seront pas regroupées même si Ségolène Royal est élue. Non, le service minimum ne sera pas mis en place de façon autoritaire dès le mois de juillet si Nicolas Sarkozy est élu. Ce volontarisme électoral ne nous a fait que trop souffrir. Il faut un cap, un objectif, un horizon, et une méthode de navigation. La deuxième raison tient à cette méthode. Depuis vingt-cinq ans, la France est incapable de se réformer. Corporatisme, combat de clans, grèves nationales, réformes et contre-réformes contradictoires, nous sommes englués dans un immobilisme qui ne serait pas aussi criminel si le monde ne bougeait pas de plus en vite autour de nous. Or, des deux côtés de la scène politique, on nous propose d'utiliser à nouveau, encore et encore, ces mêmes recettes. "Je veux" dit Ségolène, "je ferai" dit Sarkozy. Ils ne feront pas, ou mal. Ils se heurteront aux mêmes obstacles, les syndicats pour l'un, la dette pour l'autre. Un cap sur lequel une grande majorité de français s'accorde - il faut réformer les retraites, il faut rétablir la réussite à l'école, il faut réduire la dette - et une méthode de négociation - avec les syndicats d'enseignants, de parents, de fonctionnaires, des entreprises publiques, avec les partenaires sociaux - pour que les solutions soient des chemins que l'on partage. Le succès est loin d'être garanti mais ne pas essayer serait une folie.

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Commentaires
L
Chirac n'a pas soutenu Sarkozy! An contraire il a dénoncé ses tentatives de rapprochement avec l'extrême droite et a fustigé ses penchants libéraux...<br /> <br /> Il est curieux que cela ne soit pas mis en avant par la presse... Les relations entre Chirac et Sarkozy se serait dégradées considérablement la semaine dernière selon cet article:<br /> http://www.liberation.fr/actualite/politiques/239494.FR.php<br /> Sarkozy aidé par la presse tente donc minimiser voir d'étouffer le choc... <br /> <br /> Laure
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